Il y a un moment que je vois fleurir sur les blogs des copines des articles sur la "polémique" autour de la loi sur le mariage, l'adoption, et la PMA pour des couples homos. Je me disais que moi, je ne ressentais aucune envie d'écrire un article sur le sujet.
Il y a quelques jours, j'ai lu ça, chez Nell. Bon, ça ne m'a pas émue outre mesure, parce que je me doutais bien que Nell n'était pas une vilaine homophobe, et même je la soupçonnais fortement d'avoir des "potes homos" (vous voyez c'que j'veux dire...)
Et puis hier, j'ai lu ça, chez Nelle encore. Du coup, je suis allée lire le commentaire posté par la fameuse Victoria. Et là, ça m'a juste énervée... J'ai réagi à chaud en y allant de mon propre commentaire, mais, à ma grande surprise, ça a continué à me tracasser cette nuit. D'où le présent article.
Moi, l'homosexualité, je m'en fous.
C'est un peu comme la couleur des yeux, des cheveux, de la peau, le dessin des lignes de la main ou les résultats du PSG : je m'en fous. Question d'éducation sans doute : on ne m'a jamais dit que "ces gens là" étaient des gens différents. Comme quand, à l'école, j'avais des copains maghrébins : on s'en foutait, on était copains pareil, on s'amusait pareil, on se bagarrait pareil, on se réconciliait pareil.
Du coup, l'homophobie, je ne comprends pas. Comme le racisme, je ne comprends pas non plus. Tant que ma belle-soeur, qui est homo, ne me drague pas, ben son orientation sexuelle ne me concerne en rien. (la soeur de mon mec, hein, pas la copine de mon frère ! soyez logiques enfin !!)
Du coup, le mariage ouvert aux couples homosexuels, ça m'est égal aussi. Entendons nous bien : jusqu'à il y a peu de temps, je me disais : "Pff, pourquoi ils veulent se marier ? Ça sert à rien, ils ont qu'à rester comme ils sont et ne pas se compliquer la vie. Pas la peine de faire une loi pour un truc totalement inutile." Et puis je me suis mariée, et j'en ai été très heureuse, et maintenant je me demande pourquoi un couple amoureux serait privé de ça s'il en a envie alors que nous on a pu le faire.
Un peu comme si un couple ne pouvait pas avoir d'enfant alors que les voisins en font plein sans rien demander, vous imaginez le truc de ouf ??? Ce serait dégueulasse, injuste, inique ! (heureusement, ça n'arrive qu'aux autres) (un peu comme d'avoir un enfant homo, d'ailleurs) (je sens que je m'égare) Sauf que pour le mariage homo, ce n'est pas une maladie qui l'empêche, mais une loi qui maintient une injustice. Y a comme un bug.
Alors finalement, le mariage homo, je suis pour. Même que s'il y avait une manif près de chez moi j'irais, à condition qu'ils acceptent les poussettes et les hurlements Titonesques.
À part ma belle soeur (que je n'ai pas choisie), je n'ai pas de "potes homos". C'est pas que je n'en veuille pas, c'est qu'ils ne se sont pas présentés. Mais je m'en fous, vu que l'homosexualité, je m'en fous.
Par contre, ces dernières années, j'ai eu parmi mes élèves deux enfants d'un couple homo. Du moins, deux seulement pour lesquels je suis au courant de la situation. Le hasard des constitutions de classes a fait que je les ai eus tous les deux pendant les quatre ans de leur passage au collège.
En sixième, j'avais Garçon dans une classe et Fille dans une autre. Deux enfants remarquablements sympathiques, sociables, épanouis, intelligents, bons élèves, bien éduqués. Et sans lien apparent entre eux, en dehors de leur mignonneté.
Garçon, manifestement en avance intellectuellement, avait parfois quelques soucis d'adaptation dans la classe, comme souvent les enfants précoces. Sa maman, que j'ai rencontrée plusieurs fois, le suivait de près et l'accompagnait dans son parcours un peu particulier. Je ne lui connaissais pas de papa, mais ne m'en inquiétais pas vu que sa maman était présente et visiblement compétente.
Fille, elle, était brillante scolairement (un peu moins que Garçon, mais rien ne me poussait à les comparer à l'époque), avait plein de copines adorables, c'était un élément pacificateur et stabilisateur dans sa classe. C'était le début de ma PMA, et je me disais : "Si j'ai une fille, je voudrais bien qu'elle lui ressemble". (ah oui : en plus, elle était jolie comme tout). Je voyais régulièrement la maman de Fille aux rencontres parents-profs, pour lui dire que tout allait pour le mieux, et même mieux.
En cinquième, Garçon a tâté le terrain sans en avoir l'air. À l'occasion de la résolution d'une énigme mathématique (Trois femmes, chacune accompagnée de ses deux filles, entrent dans une salle d'attente où il y a 7 sièges. Toutes s'assoient, chacune sur son siège. Comment est-ce possible ?), il est venu me demander : " Les dames, elles sont homosexuelles non ?" Et moi : " ???" Alors lui : " Ben oui, si elles sont homosexuelles ça économise des mères !"
Cherchez pas, je crois qu'il n'y avait pas de logique : c'était juste un test. Auquel j'ai eu la bonne idée de ne pas répondre "Non voyons, que va-tu chercher là, c'est tordu ! Ce sont des vraies mères", mais plutôt " Tiens ? Quelle drôle d'idée ! Non non, ce sont des mères biologiques". " Ah bon, d'accord." m'a-t-il innocemment répondu.
Et quelques jours après, Garçon est venu me dire, en confidence, que Fille était sa soeur, enfin pas tout à fait mais quand même, leurs mamans vivaient ensemble alors c'était comme sa soeur non ?
J'ai pas voulu lui dire que je m'en foutais, alors je l'ai remercié de sa confiance. J'ai compris plus tard que j'étais la deuxième adulte à être au courant au collège. (la première, c'était une collègue qui se trouve être une de mes amies, très proche)
En quatrième, Garçon et Fille étaient dans la même classe, et certains de leurs copains étaient au courant qu'ils étaient frère et soeur. Garçon et Fille étaient les deux meilleurs élèves de la classe, des élément moteurs tant sur le plan scolaire qu'humain.
Quelques profs savaient aussi, et j'ai constaté que les enfants les avaient bien choisis : ils ne s'étaient pas adressés à ceux qui risquaient de leur faire sentir de la désapprobation.
En troisième, enfin, la maman de Garçon et la maman de Fille ont cessé de venir me voir séparément lors des réunions parents-profs : l'une venait, et on parlait des deux enfants. Comme pour toutes les fratries. Il a fallu 4 ans pour arriver là. Elles ne le faisaient pas avec tous les profs, j'ai pris ça comme une marque de confiance, presque un compliment.
Voilà, c'est juste un témoignage.
Pour dire que moi, prof, je vois passer une centaine de gamins par an, et que je signerais des deux mains, des deux pieds et du reste pour que tous mes élèves ressemblent à ces deux-là. Pour le confort des profs, bien sûr, mais aussi pour le bonheur de mes élèves : qu'ils soient tous aussi bien dans leurs baskets, aussi affutés intellectuellement et aussi capables de mener leur barque paisiblement.
Pour dire aussi que, à cause de gens comme Victoria, ces mamans ont passé des années à "se cacher", à ne pas laisser voir qu'elles vivaient en couple. Je vis dans un milieu rural, où "tout se sait" : garder un tel "secret" est une gageure, et elles l'ont fait pendant plusieurs années, ne parlant qu'à ceux et celles dont elles étaient sûres que leur réaction ne nuirait pas à leurs gamins. En laissant aussi le choix aux enfants d'en parler à qui ils voudraient, malgré la "prise de risque". Elles ont réussi leur coup : en 4 ans, je n'ai jamais entendu que ces enfant aient été victimes d'une quelconque insulte à ce sujet. Mais que de complications pour elles, juste pour pouvoir affirmer ouvertement, chacune : " Ce sont MES enfants". (Et pour les enfants : quand pourront-ils affirmer : "Ce sont MES mamans ?"... pour l'instant, je n'ai entendu ni l'un, ni l'autre, dire ça)
L'homoparentalité est une réalité.
Les enfants de couples homosexuels ne sont ni plus heureux, ni plus malheureux que les autres.
Les parents homosexuels ne sont ni meilleurs ni pires que les autres. Simplement, comme pour les parents passés par la PMA, comme pour tous ceux qui se sont battus pour avoir des enfants, je suis certaine qu'ils sont conscients qu'être père ou mère est un privilège.
Je suis certaine aussi que ces enfants ont été désirés fortement, car il est plus simple pour un couple homo de renoncer si la "motiavtion" n'est pas optimale. C'est sans doute encore plus "tentant" que pour les couples en PMA, et je ne connais pas un couple en PMA qui n'ait pas envisagé un jour ou l'autre de renoncer.
Je suis certaine que tous ces couples ont longuement réfléchi à leur projet de famille (contrairement à d'autres, parole de prof...), au sens de leur parentalité, à ce que leur désir d'enfant avait d'ordinaire et à ce qu'il avait d'extra-ordinaire, au sens propre de ces termes. Ils ont réfléchi, comme moi, comme nous deux, comme tous ceux pour qui avoir un enfant ne se fait pas "naturellement". Quelle différence entre ces couples et le mien ?
Je suis certaine que ces couples ont mûrement réfléchi leur projet éducatif, la façon dont ils aideraient leur(s) enfant(s) à vivre au mieux la différence qu'ils leur ont "imposée".
Je suis convaincue que ces enfants bénéficient d'une attention bien supérieure à beaucoup d'autres, pour lesquels les parents ne se sont pas posé la moindre question de ce type. Et pour ces autres, ça peut très bien marcher comme ça peut capoter lamentablement. Comme pour les enfants de couples homos.
Je crois que les gens qui ne comprennent pas ça sont des gens qui n'ont jamais réfléchi au sens du "métier de parent".
Je crois qu'ils n'ont pas compris que la mission d'un parent, qu'il soit parent génétique, parent "gestant", parent adoptif ou toute autre sorte de parent à inventer, est d'accompagner un enfant sur SON chemin, pour l'aider à devenir un adulte épanoui et stable (et éventuellement homosexuel, hein pourquoi pas ?).
Je crois qu'ils n'ont pas compris que tous les chemins sont différents et riches, je crois qu'ils ne veulent rouler que sur des autoroutes, à 130 km/h, sans regarder le paysage, sans musarder tranquillement et découvrir les merveilles que la vie peut réserver si on prend la peine d'être curieux.
Je crois qu'ils ne connaissent qu'une seule façon d'être parent (celle enseignée par l'Église avec une majuscule, et par la morale dite "judéo-chrétienne" dont nous sommes supposés être les héritiers et les défenseurs, si je comprends bien Victoria ?), et je trouve que c'est triste. Pour eux, et pour toutes les victimes de leurs prises de paroles, de leurs revendications rétrogrades et, je l'espère, inutiles.
Triste pour Garçon et pour Fille, que j'aimerais bien avoir sous la main pour leur demander ce qu'ils pensent de tout ça, eux.
(pour quelqu'un qui n'avait rien à dire sur le projet de loi qui fait du bruit, ça se pose un peu là, non ?)
(c'est un peu désordonné, mais il est tard... bonne nuit...)