... d'être affectée par ce que me dit ma mère ?...
Hier il y avait du soleil, un air de printemps dans l'air. J'avais envie d'aller faire un tour, je n'aime pas y aller toute seule, et MonHomme était en vadrouille.
Alors j'ai fait une erreur.
J'ai appelé ma mère, pour voir si elle m'accompagnerait.
Elle a manifesté un enthousiasme suspect, c'est là que j'ai commencé à réaliser mon erreur.
Je passe sur la balade en elle-même, conversations de tout et de rien, politique, élections, marché du matin, que de la surface : je sentais bien qu'elle avait quelque chose à me dire, sans savoir l'aborder.
Elle est comme ça, ma mère : rien ou tout. Incapable de dire les choses avec modération, incapable d'être présente sans être intrusive. Elle le sait, je le lui ai déjà dit, elle l'a (apparemment) compris. Alors, quand elle ne sait pas comment "m'approcher", elle ne dit rien, ne demande rien, et ça peut donner l'impression qu'elle ne s'intéresse pas alors qu'elle n'en dort pas la nuit, de ne rien savoir... (un de ces jours, je vous raconterai sa soeur... drôle de famille que la mienne !)
Du coup, je choisis soigneusement les infos que je lui donne, pour ne pas la laisser trop à distance (je ne le souhaite pas), mais sans lui laisser la possibilité d'envahir. Généralement, ça marche assez bien. Mais hier, je sentais bien qu'il y avait autre chose...
De retour chez moi, elle sent que nous n'allons pas tarder à repartir chacune de son côté, et la voilà qui attaque sans préavis :
"Tu te sens bien ? Tu as pris du poids ?"
" ??? " (ne pas négliger que ma mère se/me trouve trop grosse depuis que j'ai 12 ans, que par conséquent je le suis devenue alors que j'étais tout à fait normale au départ, et que le sujet du poids et de l'apparence est donc explosif entre nous) (ne pas négliger non plus que ma mère a pris plus de 20kg à sa première grossesse et qu'elle en est restée traumatisée, d'où son obsession poids qui m'est gentiment retombée dessus à l'adolescence)
" Non, j'ai même perdu du poids (ne pas prononcer le mot "maigrir" devant elle...), et je me sens bien mais je suis fatiguée".
Regard dubitatif. Doublement dubitatif : les deux parties de ma phrase lui déplaisent.
" Moi, je n'étais pas fatiguée pendant mes grossesses." (sous-entendu : c'est pas normal, tu ne fais pas comme il faut, laisse moi prendre soin de toi je vais te dire ce que tu dois faire)
Je retiens un " Grand bien te fasse " (et je me souviens qu'elle même m'a expliqué il y a longtemps que le début de sa grossesse pour moi l'avait beaucoup culpabilisée car mon frère n'avait que 6 mois, était très souvent malade et qu'elle ne pouvait pas s'en occuper car elle était trèèèèss fatiguée par la grossesse et devait se reposer beaucoup)
Je sors juste un (surtout pas agressif) " Ben moi je suis fatiguée, et c'est normal à ce stade ".
Suivent quelques " Tu dois...", " Tu ne dois pas..." que j'écoute d'une oreille distraite tout en essayant de garder le visage le plus neutre possible (c'est vrai que je n'aurais pas pensé toute seule à laisser le ménage à MonHomme, à l'envoyer faire des courses, à renvoyer à plus tard ce qui peut l'être, à me coucher tôt, à déléguer ce qui peut l'être au boulot, à supprimer les activités inutiles (la musique...)... c'est vrai, que je ne suis pas encore une adulte à ses yeux...)
Conversation ordinaire dans la famille Cami, en fait...
Elle veut dire autre chose, je le sens, elle le sait, elle tourne autour du pot, ça m'agace... Je lui demande donc, toujours le plus "neutrement" possible :
" Tu veux me dire quoi, là ? "
" Oh ben voilà, je le savais que tu allais t'énerver, il n'y a pas moyen de te dire les choses !! "
Notez bien que je n'étais pas énervée avant cette remarque. Après, oui (je le lui ai dit, ça ne lui a a pas plu...)
Bref, après un échange un peu vif sur le thème "tu dis ou tu dis pas mais tu tournes pas une heure autour du pot avec des sous-entendus que je suis supposée interpréter au quinzième degré", elle finit par :
" Ben, j'ai pas l'impression que t'es heureuse, alors j'ose pas être heureuse, moi"
" ... "
Je passe sur la suite de la conversation (je suis fatiguée et du coup je ne déborde pas d'énergie à crier partout mon bonheur, oui nous sommes très heureux, oui nous restons prudents, oui nous savourons, oui tu peux exprimer ta joie, mais je ne lui dis pas que sa présence me pèse parfois, que, c'est vrai, quand elle est là tout est un peu plus lourd, moins spontané, que dans ces moments-là ma joie est un peu bridée par la difficulté à communiquer avec elle...)
Elle est partie avec un grand faux sourire, un "Maintenant je vais en profiter alors !" qui sonnait mal et m'a foutu le cafard.
Je suis sortie de là abattue. Je me demandais bien où était passée ma joie, justement...
J'ai cafardé toute la soirée, au grand désespoir de MonHomme qui se/me demandait ce qu'il m'avait fait (QU'ON ME FOUTE LA PAIX !!). Je suis assez fière de moi, j'ai réussi quand même à le rassurer sans vider mon sac sur lui...
Ma mère, elle n'a pas encore fait la différence entre elle et moi.
Ma mère, elle attend de moi que je l'aide à créer cette distance, mais elle ne supporte pas la distance.
Ma mère, elle me pèse.
Ma mère, elle va mal.
Ma mère, je l'aime.
Ma mère, je veux qu'elle soit présente dans ma vie, et dans celle de mon enfant.
Ma mère, elle a plein de choses positives à nous apporter.
Un jour, j'arrêtrerai d'être blessée par elle, par ses difficultés à être, par ses difficultés à se positionner.
Je fais des progrès : je ne me sens plus du tout coupable, j'identifie plus vite les choses qui clochent dans notre relation, j'arrive à ne pas m'engueuler vraiment avec elle, j'arrive à ne pas être blessée à en pleurer, j'arrive parfois à identifier ce qui pollue ma relation avec elle, j'arrive parfois à comprendre pourquoi ça m'affecte.
Un jour, je ne serai plus affectée.
PS : quand apprendrai-je que mon enfant n'est pas moi ?