Dimanche, j'ai rencontré à un festival de musique une copine que je n'avais pas vue depuis mars. Pour dire à quel point on se voit peu, j'avais constaté à cette occasion qu'elle était enceinte, bien comme il faut ( vous savez, quand, même sans avoir l'info officielle et même si la nana est plutôt rondelette, vous demandez sans hésitation : "Oh, mais quand est-ce qu'il va naître ?" ). Mais, sans la connaître plus que ça, c'est une fille que j'aime bien.
Bon, le petit est né à la mi-mai, il a donc deux mois.
Hier, elle s'éclipse un moment pour l'allaiter : j'en profite pour aller causer un peu, parce que dans le brouhaha de la fête c'est pas très évident, et puis je me méfiais un peu de ma réaction : en larmes devant tous les participants, j'avais pas vraiment envie. Quoi, c'est mazo d'aller voir une maman qui allaite un bébé tout neuf ? Inconsciente, j'étais.
Ben figurez-vous que ça m'a rien fait... Il semblerait que je ne sois pas jalouse de ce bébé-là. Bon, à ma décharge, ce n'est pas un très beau bébé (est-ce que je dis ça parce que je n'aime pas son père ? et qu'il lui ressemble ? noooon, ce serait mesquin !). Mais rien de rien, même pas une pointe d'émotion... J'en suis restée sur le cul...
On papote à qui mieux mieux , le mariage vient sur le tapis, et là j'ai droit à l'inévitable :
" Bon, puis après le mariage vous allez penser à faire un petit alors ! "
Réplique classique, dite avec les meilleures intentions du monde par une fille vraiment, fondamentalement gentille. Du coup, j'ai pas eu mal. Et j'ai répondu :
" On aimerait bien, mais c'est plus compliqué qu'on ne voudrait... "
Et là, devinez quoi ?
" Ça va venir... "
Même pas mal, parce que sa tête - consternée - disait qu'elle était vraiment désolée pour nous (on a un couple d'amis communs, qui ont sacrément galéré pour les FIV puis l'adoption : sans le dire, je sais qu'elle a pensé à eux)
" Oué... ça fait quand même un moment qu'on est sur le coup ... "
" Oh... "
Je me dis : tiens, j'en parle sans avoir mal, sans avoir les larmes qui montent... Décidément, je l'aime bien, elle.
Et là : " Nous aussi on a attendu pour celui-ci, on se demandait si ça allait marcher... Plus d'un an, hein, tu sais... mais tu vois il est là ! "
...
Je ne lui ai pas sorti nos 4 ans, les 10 traitements, les 10 embryons transférés, les espoirs, les larmes, l'épuisement. Parce que pour le coup c'est sûr, j'aurais pleuré. Je suis passée par dessus cette petite phrase, sans commentaire, je lui ai dit qu'il était super mignon son petit, que ça vallait le coup d'attendre (beau non, mais mignon : oui !).
Je lui ai définitivement pardonné sa réplique malheureuse quand elle a dit à son Titon, en me jetant un coup d'oeil prudent (genre "tâchons de ne pas gaffer") : " Tu veux aller avec Cami un moment ? Ça l'entraînera ! "
Le gosse, ça lui a fait ni chaud ni froid ces quelques mots-là, mais à moi ça m'a classée dans le camp des fertiles, ou du moins celui des bientôt-fertiles, et là, oui, j'ai eu les larmes aux yeux.
C'est con, hein ?
PS 1 : Pour la petite histoire, j'ai gardé le petit dans les bras pendant un bon quart d'heure, car la maman était occupée avec l'aîné. Et ben, ça a mis les larmes aux yeux à MonHomme de me voir avec ce bébé, mais moi, non. Rien, pas d'émotion particulière (même pas la peur de le casser !). Même pas le coeur serré.
C'était assez étrange cette "indifférence" à la situation, mais en fait je crois que j'ai juste expérimenté ce que font les femmes "normales" qui prennent le bébé des autres dans leurs bras... Sans cette douleur de l'infertilité, de la non-maternité. Mine de rien c'est une situation que j'évitais absolument, de peur de... je ne sais quoi. Peur de craquer, sans doute. Et aussi peut-être l'impression que je serais un peu une "impostrice". Et finalement : rien.
PS 2 : J'en ai conclu que pour l'instant, j'en suis au désir de grossesse et pas encore au désir de bébé. Ce qui est assez étrange, parce que la grossesse est une notion que j'ai mis du temps à assimiler, au début de la PMA : j'avais un fort désir d'enfant, mais je n'étais pas certaine de vouloir être enceinte. Ou alors la PMA est tellement centrée sur ce putain de test positf qu'on en oublie le reste. En tous cas, on dirait que ça bouge, tout ça...
PS 3 : Après, évidemment, j'ai calculé... À rebours : 2 mois + 8 mois de grossesse (il est prématuré) + 1 an et 2 mois d'attente = 2 ans = IAC 1. Ils ont commencé leurs essais quand on a fait IAC 1... Je vous laisse imaginer revivre la tournure que prennent les pensées d'une pmette dans ce genre de circonstances...
Je n'ai pas calculé " maintenant - 10 mois " et je m'y refuse, parce que je crois que ça tomberait sur FIV 1 et je veux pas le savoir.