C'est le quart d'heure que je n'ai pas raconté hier, celui où j'ai compris l'effet que la peur a sur moi.
La peur me fait ouvrir grand la bouche, pour laisser sortir un hurlement.
La peur me rend muette.
La peur emprisonne le hurlement.
La peur me fait tomber par terre.
La peur me coupe toute respiration.
La peur me recroqueville en position foetale, face contre le carrelage.
La peur me cloue au sol, littéralement.
La peur me fait donner des coups de poing sur le mur.
La peur me fait respirer longuement, bruyamment, avant de me replonger en apnée.
La peur me fait croire que MonHomme va entendre mon hurlement muet, mes coups de poing dérisoires sur le mur.
La peur m'empêche de comprendre qu'il faut que je l'appelle avec ma voix.
La peur de tout perdre.
La peur que mon bonheur s'arrête.
La peur de ne pas supporter de perdre CE BÉBÉ-LÀ, même si un jour plus tard il en vient un autre.
La peur de ne plus avoir le droit d'être moi-même.
La peur de redevenir l'autre.
Celle qui a peur, justement.
Celle qui en sait pas, celle qui attend l'absent, celle qui en a marre d'attendre.
Celle qui voudrait savoir quand elle pourra recommencer à être elle-même.
Celle qui ne sourit pas.
Et, miracle, la peur cède devant les bras de MonHomme.
Dans ces bras-là, la peur devient raisonnée : presque raisonnable. Il devient possible de penser, d'agir, de téléphoner...
Ça n'a pas duré un quart d'heure, certainement pas plus d'une minute ou deux, peut-être même moins : je ne sais pas. Mais c'était d'une intensité extraordinaire, telle que je l'ai rarement vécue.
Ce n'est certainement rien face à la douleur immense de celles qui ont vu leur peur se concrétiser, celles dont le bébé n'a pas tenu le coup et qui, à leur corps défendant, sont redevenues l'autre elles-mêmes.
J'en suis consciente, j'espère que cet article n'aura blessé personne.
D'ailleurs cet article est probablement inutile, j'avais juste besoin de l'écrire. Il m'a occupé l'esprit lundi, pendant le trajet vers l'écho.
Il aura au moins servi à ça...